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La petite histoire du haut de la paroisse
par Guylaine Hudon le 2019-02-22

Les Langelier

Pour débuter, je voudrais mentionner que dans ces histoires, je ne prétends pas raconter la pure réalité et je ne voudrais offusquer personne .Ces souvenirs sont souvent tirés de la mémoire des gens du coin, de ce qu’ils ont entendu raconter, parfois de ce qu’ils ont vu il y a bien des années et sont teinté de leur perception. Veuillez lire ce récit dans un but totalement récréatif.

Ceci dit, bonne lecture!

Je situe le début de cette quête à l’été 1980 alors que j’avais huit ans. J’arpentais le bord de la grève dans les environs à la recherche de balles, ballons ou divers objets que les glaces et les grandes marées d’automne auraient déposés dans le jonc. Et tel un véritable Indiana Jones L’Isletain de 8 ans, je m’enfonçais dans un petit boisé, un peu au-delà des limites tolérées par ma mère, pour y faire la plus belle découverte de ma vie : un bateau échoué, d’une trentaine de pieds avec la poupe dans un piteux état. Il y avait une petite cabine où l’on pouvait encore entrer en descendant une marche ou deux, de minuscules armoires dont on pouvait ouvrir les panneaux pour fouiller éventuellement. La magie était telle que je me croyais dans un épisode de Fifi Brindacier que l’on regardait à cette époque.

De retour à la maison, je me suis empressé de raconter ma trouvaille à ma mère : « J’ai trouvé un bateau échoué sur le bord de la grève! »

-Mais oui, c’est le bateau des Langelier, n’allez pas là, ce n’est pas chez nous! ‘’

J’étais un peu déçu d’avoir découvert quelque chose de connu et je me demandais pour quelle raison on avait abandonné un si beau petit bateau.

L’été dernier j’ai appris que je n’avais pas été le seul petit garçon à fouiner dans ce bateau. En effet, j’ai discuté avec deux résidents du coin, qui ont maintenant entre 70 et 80 ans et ils m’ont raconté avoir joué dans le bateau alors qu’ils avaient environ 10 ans. Et eux aussi s’étaient fait avertir de ne pas jouer là :

« Si le bonhomme Langelier vous pogne à varnousser après son bateau, vous allez passer un mauvais quart d’heure! »

Amédée Langelier était un homme de forte stature qui parlait fort. Pour ma part, le danger était beaucoup moins grand. M. Langelier était décédé depuis presque vingt ans, dans mon temps.

Dès lors, je savais qu’au début des années cinquante le bateau était déjà abandonné. Il avait été parait-il, tiré par des chevaux à cet endroit durant les grandes marées d’automne, suite à un bris mécanique. Il était chargé de cochons que l’on avait fort probablement été chercher à L’Ile-aux-Oies. À cette époque, l’île appartenait aux Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec et, à chaque printemps, on allait porter des petits cochons et on retournait les chercher à l’automne.

Pourquoi cet endroit pour faire cale-sèche? C’est que son constructeur habitait la maison à proximité en bas de la côte au 303, chemin des Pionniers Ouest, voisine à l’ouest du berceau des Cloutier, splendide maison du début du 18e siècle, située au 295, chemin des Pionniers Ouest, laquelle est un joyau du patrimoine de L’Islet. (Je vous invite à taper les adresses sur Google pour avoir un visuel des endroits en question.)

M. Phydime Moreau était le constructeur de ce bateau nommé « ’le PM ». Les Langelier l’avaient vraisemblablement laissé à cet endroit dans le but de le faire réparer. Ils avaient construit une remise par-dessus, pour le protéger des intempéries et effectuer les réparations au sec, je suppose. Mais il semble que M. Moreau n’eut jamais, le temps ou la santé ou la force de le réparer. Il décéda le 17 avril 1942. Sa femme, elle, était décédée depuis déjà plusieurs années, en 1914. La remise fut démantelée pour servir de bois de chauffage aux nouveaux locataires de la maison et le PM fut laissé aux quatre vents.

Les Langelier étaient une famille de commerçants, d’entrepreneurs qui avaient la bosse des affaires. On peut noter leur présence à L’Islet dès 1708 sur une carte dressée par le Sieur de Catalogne. Probablement Charles Langelier et sa femme Françoise DesTroisMaisons, fille de Philippe DesTroisMaisons, ancêtres des Picard (surnom dont il avait hérité à cause de sa région d’origine : la Picardie) et de Martine Crosnier, fille du Roi. Je suppose que c’est ce couple car trois de leurs enfants se marieront à L’Islet et un à Cap-Saint-Ignace, entre 1724 et 1749.

Ceux dont j’ai pu retracer quelques informations sont les derniers à avoir vu le jour à L’Anse-à-Gilles et sont presque tous inhumés au cimetière de L’Islet. Il s’agit de la famille Onésime Langelier et de Marie-Euphémie Michaud. Cette dernière avait fait instruire ses enfants aux frais des Frères des Écoles Chrétiennes en fait miroiter le fait que ces derniers opteraient pour le sacerdoce et la vie religieuse, ce qui ne s’est apparemment jamais produit. La maison ancestrale de cette famille est située non loin de la route Giasson du côté nord au 491, chemin des Pionniers Ouest. C’est leur fils Amédée qui l’habitera après ses parents. Il fut marié à Rosanna Gagnon, mais elle décédera très jeune en 1908, à 25 ans. Lui était commerçant local et, le seul des fils à avoir demeuré à L’Islet toute sa vie. On m’a raconté que certains ramassaient de la « pitoune » sur la grève et la cordaient sur le bord de la route; celui-ci achetait le bois et le faisait ensuite ramasser par camion. Tout porte à croire que c’était Amédée qui se servait du PM pour le transport de diverses marchandises. La légende urbaine raconte même qu’il servait parfois à relayer la boisson de contrebande, du « St-Pierre-et- Miquelon » pour l’hôtel que sa sœur Alma exploitait, que les gens du coin connaissent tous sous le nom du « Ti-manoir » de L’Anse-à-Gilles. Ce bâtiment a été démonté dans les années 2000 pour être reconstruit à Montmagny, au 481, chemin du golf, maintenant nommé Auberge le petit manoir. Amédée était aussi connu pour être passé maître dans l’art de poursuivre en cour et de « mettre le diable ». Lors de veillées politiques, les plus pacifiques s’empressaient de quitter à son approche. Il décédera en 1961 à l’âge de 80 ans et il est inhumé au cimetière de L’Islet.

Dans un prochain tirage, je compte parler des autres fils Langelier. Leur histoire est loin d’être commune.

À suivre…

Jérôme Pelletier

Sources :

Mme Rachel Lamarre (Informations à propos du bateau et de son grand-père Phydime)

Autres sources anonymes

Phydime Moreau, constructeur du bateau « le PM ». Photo fournie par Rachel Lamarre

Photo : Jérôme Pelletier.




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